2009 – Rapport Jury Eric Lambin

 

Remise solennelle du Prix Francqui
par Sa Majesté Le Roi Albert II
au Palais des Académies le 9 juin 2009

Curriculum Vitae – Activités Scientifiques – Rapport du Jury – Discours

(photos cérémonie)


 

Curriculum Vitae

Eric Lambin est né à Uccle le 23 septembre 1962. En 1985, il obtient une licence en sciences géographiques et un baccalauréat en philosophie à l’Université catholique de Louvain à Louvain-la-Neuve. En 1988, il défend dans la même université une thèse de doctorat basée sur des recherches sur l’utilisation des satellites d’observation de la terre pour mieux comprendre les interactions entre les systèmes agraires et la désertification au Sahel africain.

Après un séjour postdoctoral au Centre Commun de Recherche de la Commission européenne, à Ispra en Italie, il est engagé comme « Assistant Professor » à la Boston University. Il y rejoint une équipe très active dans les nouveaux programmes de la NASA sur l’observation de la terre par satellite et le suivi des changements environnementaux à l’échelle mondiale. Il retourne ensuite au Centre Commun de Recherche à Ispra pour se consacrer pleinement à l’analyse de nouvelles données satellitaires.

En 1995, il est nommé professeur au département de géographie de l’Université catholique de Louvain à Louvain-la-Neuve et ensuite professeur ordinaire en 2005. Il y dirige une équipe de recherche qui est impliquée dans de nombreux projets scientifiques internationaux sur les interactions entre l’activité humaine et les écosystèmes terrestres. Ces travaux associent la télédétection, des données socio-économiques et des modèles spatiaux pour mieux comprendre et prédire la dynamique des changements environnementaux et leurs impacts.

En 2002-2003, Eric Lambin a été invité comme fellow au Center for Advanced Study de l’université de Stanford en Californie. À partir de l’année académique 2009-2010, il partagera son temps entre l’UCL, où il reste professeur, et l’université de Stanford, où il occupera la chaire Ishiyama en études interdisciplinaires de l’environnement à la School of Earth Sciences et au Woods Institute for the Environment.

Eric Lambin a publié plus de cent articles scientifiques dans des revues internationales spécialisées en science environnementale. Il a également publié deux livres destinés à une audience plus large : « La Terre sur un fil » (Editions Le Pommier, traduit en anglais sous le titre « The Middle Path » à University of Chicago Press) et « Une écologie du bonheur » (Editions Le Pommier), qui paraîtra en août 2009. Invité à donner des conférences dans de nombreuses universités de par le monde, il consacre aussi plusieurs semaines par an à des études de terrain dans les régions semi-désertiques ou les forêts tropicales d’Afrique, d’Asie ou d’Amérique Latine. Il a jusqu’à présent été promoteur de vingt-deux thèses de doctorat, défendues ou en cours, et a encadré une trentaine de chercheurs qui occupent aujourd’hui diverses fonctions scientifiques dans plusieurs pays du monde.

Eric Lambin a été président du projet scientifique international Land Use andLand Cover Change de 1999 à 2005 et a contribué au programme Millenium Ecosystem Assessment des Nations Unies. Il est souvent consulté par des organisations internationales sur des questions liées à la déforestation tropicale, la désertification, l’impact environnemental des biocarburants et le rôle des forêts tropicales dans la lutte contre le changement climatique.

Eric Lambin est membre de l’Académie royale des Sciences, des Lettres et des Beaux-Arts de Belgique et est membre associé de l’Académie Royale des Sciences d’Outre-Mer de Belgique. En 2005, il a occupé la Chaire Francqui au titre belge à la KULeuven. En avril 2009, il a été élu comme « Foreign associate » à la prestigieuse U.S. National Academy of Sciences, l’un des cinq Belges seulement qui ont eu droit à cet honneur.

Il a épousé Régine Geets, qui mène une vie très active comme cadre dans l’industrie pharmaceutique. Ils ont deux filles, Tatiana (1991) et Julie(1993). Eric et Régine Lambin pratiquent l’équitation de longue date. Eric Lambin nourrit également une passion pour la musique de jazz moderne, la littérature et l’alpinisme.

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Activités scientifiques

Les recherches d’Eric Lambin ont conduit à une meilleure compréhension des interactions entre l’activité humaine et l’environnement naturel dans les écosystèmes terrestres à partir d’approches méthodologiques nouvelles.

Au début des années 1990, Eric Lambin a développé une méthode pour détecter les changements du couvert végétal et la dynamique des écosystèmes terrestres à des échelles régionales à partir de séries temporelles des satellites d’observation de la terre. L’application de cette méthode a mis en évidence un large spectre de variations interannuelles de la végétation qui étaient auparavant ignorées dans les études environnementales. Ces travaux ont par exemple permis une meilleure compréhension de la distribution de la biodiversité et de la dynamique des feux de forêts et de savanes en Afrique.

En parallèle, Eric Lambin a développé puis appliqué à plusieurs régions du monde une approche intégrée des interactions entre l’activité humaine et l’environnement naturel, à partir de la télédétection et de données socio-économiques à un niveau fin de désagrégation. Cette approche à l’interface entre les sciences naturelles et les sciences humaines a permis une meilleure modélisation des causes et des impacts de la déforestation tropicale, de la désertification et des conflits entre la faune sauvage et l’agriculture autour des grands parcs africains. Ces études ont concerné l’Afrique surtout, mais aussi la Chine, la Thaïlande, l’Amazonie, l’Indonésie…

Depuis les années 2000, l’équipe de recherche d’Eric Lambin s’intéresse aux réponses des communautés rurales face aux changements environnementaux. L’accent est mis sur le caractère non linéaire de la transformation des écosystèmes terrestres, et sur les seuils critiques et les rétroactions qui ralentissent ou accélèrent ces changements. Ces recherches portent par exemple sur la transition d’une période de déforestation nette à une période de reforestation nette qui se produit depuis quelques années dans certains pays en voie de développement, dont le Vietnam, la Chine, le Bhoutan et le Costa Rica. Ces recherches concernent aussi les stratégies qu’adoptent les communautés rurales pour s’adapter à et anticiper les changements climatiques dans les zones semi-arides du Sahel africain et en Europe méditerranéenne.

Plus récemment, l’équipe d’Eric Lambin a étudié également l’impact des transformations des écosystèmes terrestres sur les nouvelles maladies transmises par des vecteurs (tiques, moustiques, mouches) et/ou qui sont d’origine animale (les zoonoses). Une analyse intégrée à l’échelle du paysage permet de mieux comprendre les interactions entre les changements des écosystèmes et du climat, l’écologie des vecteurs de maladies et des hôtes animaux des agents infectieux, le comportement humain et les pratiques agricoles. Ces interactions sont souvent à l’origine de l’émergence de nouvelles maladies. Ces dernières recherches sont interdisciplinaires et ont permis des avancées significatives en épidémiologie spatiale.

Les travaux d’Eric Lambin permettent d’identifier sous quelles conditions une société adopte des pratiques plus durables d’utilisation de l’environnement naturel. Ils ont également contribué à l’émergence d’une théorie des interactions entre l’activité humaine et l’environnement naturel qui est centrée sur la notion de systèmes socio-écologiques. Ces recherches ont également mis en évidence les quelques trajectoires génériques qui sont associées à la déforestation, la désertification ou la restauration écologique des terroirs occupés par les sociétés humaines. L’identification de ces trajectoires récurrentes à travers les régions du monde permet de formuler des prédictions sur la transformation par l’homme des écosystèmes terrestres, malgré la grande complexité des interactions entre l’activité humaine et l’environnement naturel.

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 Rapport du Jury (5 mai 2009)

Eric Lambin has developed a method for quantitative analysis of land modifications based on remote sensing and has pioneered the integration of biophysical and socio-economic data to analyze the role of human activity and climatic factors in land-cover change.  In particular, his development of change-vector analysis has opened up the quantitative assessment of land use and land cover changes brought about by a variety of human and climatic factors, both local to and remote from the areas affected by those changes.  He has been able to integrate a variety of disciplines, from anthropology to space systems’ physics to describe and explain how land use and land cover have changed up to the present.  By using multi-agent simulation methods, Eric Lambin has been able to interpret the changes that he has quantified in terms of human actions, specifically those contributing to desertification, agricultural developments and deforestation and reforestation.  To some extent, the same methods are also able to predict alternative developmental pathways into the future, given past and present trajectories of land-use change.  He is thus able to warn when projected changes indicate a decrease in the ability of the natural environment to sustain human activities into our uncertain future.

Starting with pictures of the earth from space, Eric Lambin has shown us, using change-vector analysis, what the human species is doing to planet earth.  He is able to interpret, and most importantly quantify, the changes that have been recorded by these satellites and has shown how local changes in land cover and land use are often brought about by global forces driven by political, social and economic factors beyond the control of the local inhabitants.  His studies have covered local, regional and global perspectives.  Eric Lambin has been able to show us that there is no First World and no Third World.  There is only One World; we are all part of it and we should look after it carefully.

Jury international dans lequel siégeaient :

Le Professeur S. R. Srinivasa Varadhan
(Frank J. Gould Professor in Science, Courant Institute of Mathematical Sciences, New York University- USA).
Srinivasa Varadhan was educated in India, receiving his Bachelor’s degree in 1959 from Madras University and Ph.D in 1963 from Indian Statistical Institute. He move to USA in 1963 and has stayed at Courant Institute, New York University ever since. He has published extensively on different aspects of probability theory. He has received many awards for his work including the Abel Prize, in 2007. He has been elected to National Academies of USA, India and UK.

                                                                                                        Président
et

Le Professeur Louis E. Brus
(Samuel Latham Mitchill Professor, Chemistry Dept., Columbia University – USA)
Louis Brus was educated in Chemical Physics at Rice University and Columbia University. In 1973 he joined the chemistry and materials research area of Bell Laboratories in Murray Hill, NJ. He returned to Columbia in 1996, where he is now S. L. Mitchill Professor of Chemistry. He is a member of the US National Academy of Sciences, and in 1998 was the Chairman of the Board of Trustees of the Gordon Conferences. He has won the APS Langmuir Prize, the ACS Chemistry of Materials Prize, the OSA Wood Prize, and in 2008 the inaugural Kavli Prize in Nanoscience.

Le Professeur Stephen Y. Chou
(Joseph C. Elgin Professor, Dept. of Electrical Engineering, Princeton University – USA).
Stephen Y. Chou, head of the NanoStructure Laboratory at Princeton University, received his PhD from MIT (1986). Dr. Chou’s pioneering research and inventions have shaped new paths in the fields of nanofabrication, nanoscale electronics, optoelectronics, magnetics, biotechnology and materials, and have brought significant impacts to both academia and industry. As an entrepreneur, he founded Nanonex and NanoOpto, and is a co-Founder of BioNanoMatrix. Among other awards and honors, Dr. Chou is a member of National Academy of Engineering, a recipient of IEEE Brunetti Award, IEEE Fellow, Packard Fellow, and an Inductee of New Jersey High Technology Hall of Fame.  Dr. Chou’s graduate work used X-ray lithography to scale MOSFETs to the 60 nm range (1982-86). Since 1985 he has demonstrated various ultra-small MOSFETs, quantum devices, and single electron transistors. In early 1990’s, he began pioneering work in exploring sub-wavelength optical elements (SOEs) –a new class of optical devices suited for miniaturization and wafer-scale integration, as well as in bringing nanofabrication into magnetic data storage media, which led to his invention of quantized magnetic disks (now termed bit-patterned media) – a new paradigm in magnetic data storage. In 1994, he invented one of his best-known works, nanoimprint lithography (NIL), a revolutionary nanoscale patterning method that allows sub-10 nm patterning over large areas with high throughput and low cost. He and his group are the first to apply NIL to a broad range of fields such as electronics, optics, display, data storage, biotechnologies and materials. Since 2000, Dr. Chou and his group have been pioneering various innovative DNA sensors (i.e., nanochannels and nanogap detectors) by combining the cutting edge nanofabrication, nanoelectronics, and nanophotonics with biology. Dr. Chou is also the primary inventor of lithographically induced self-assembly (LISA), laser-assisted direct imprint (LADI), and self-perfection by liquefaction (SPEL).

Le Professeur Arthur Jaffe
(Landon T. Clay Professor, Dept. of Physics, Harvard University – USA).
Arthur Jaffe is the Landon T. Clay Professor of Mathematics and Theoretical Science at Harvard University.  He is a member of the U.S. National Academy of Sciences, of the American Academy of Arts and Sciences, and is an Honorary Member of the Royal Irish Academy.   He was a founder and then the first President of the Clay Mathematics Institute, which established the Millennium Problems in Mathematics. He received the Dannie Heinemann Prize of the American Institute of Physics and the Prize in the Physical Science of the New York Academy of Science, for his research that demonstrates the mathematical compatibility of special relativity with quantum theory, in space-time of less than four dimension.

Le Professeur Thomas Kailath
(Hitachi America Professor of Engineering, Stanford University – USA). Thomas Kailath (Sc.D.,MIT,1961) has been at Stanford University since 1963, where he is now Hitachi America Professor of Engineering, Emeritus. His research has ranged over several fields, including  information theory, linear systems, estimation and control, signal processing, semiconductor manufacturing, probability and statistics, and matrix and operator theory. Major honors include the IEEE Medal of Honor, Guggenheim and Churchill  Fellowships, several honorary degrees, election to the  Silicon Valley Engineering Hall of Fame and to the US National Academy of Engineering, the US National Academy of Sciences and the American Academy of Arts and Sciences. He is also a foreign member of several academies, most recently of the Royal Society. In 2009, he received a Padma Bhushan national award from the President of India.

Le Professeur Sir Peter Knight, FRS
(Senior Principal of the Faculty of Natural Science,Imperial College London – UK).
Professor Sir Peter Knight is Senior Principal at Imperial College London and Professor of Quantum Optics. He was knighted in the Queen’s Birthday Honours List in 2005 for his work in optical physics. Peter Knight is a Past-President of the Optical Society of America. He is a Thomson-ISI “Highly Cited Author.” His research centres on theoretical quantum optics, strong field physics and especially on quantum information science. He has won a number of prizes and awards including the Thomas Young Medal of the Institute of Physics and the Ives Medal of the OSA. He has been a Visiting Professor at the University of Louvain-la-Neuve. 

Le Professeur Hans Mooij
(Kavli Institute of Nanoscience, Delft University of Technology – The Netherlands).
Hans Mooij is professor of nanoscience and university professor at Delft University of Technology in The Netherlands. He was a visiting professor at Stanford and MIT and was Loeb lecturer at Harvard University. Mooij is the founding director of the Kavli Institute of Nanoscience in Delft. His research is directed towards superconducting nanosystems for quantum information processing. He is a member of the Royal Netherlands Academy of Sciences and fellow of the American Physical Society. Among others he received the Europhysics Condensed Matter Prize and an honorary doctorate of Trondheim University.

Le Professeur Jerry A. Nolen Jr.
(Argonne Distinguished Fellow,
Argonne National Laboratory, Physics Division – USA). Jerry Nolen, Physics Division, Argonne National Laboratory.  Dr. Nolen is currently an Argonne Distinguished Fellow with a research program in the fields of accelerator physics, beam optics, and development of new methods for the production of and research with intense beams of radioactive isotopes.  He was a Woodrow Wilson Graduate Fellow in Physics at Princeton University, a Professor of Physics and Associate Director of the National Superconducting Cyclotron Laboratory at Michigan State University.  He has served on many national and international advisory and executive committees such as the U.S. NSF/DOE Nuclear Science Advisory Committee and the GSI (Germany), GANIL (France), and RIKEN (Japan) Technical Advisory Committees.

Le Professeur David J. Rogers
(Professor of Ecology, Dept. of Zoology, TALA Research Group, Oxford University – UK).
David J. Rogers, MA, D.Phil. (Oxon) – Curator of the Hope Entomological Collections -Founding Fellow, Green College.  First (Zoology) and second (Entomology) degrees at Oxford UK followed by 2 years in Uganda studying tsetse flies, then a lecturer-ship and later professor-ship at Oxford University.  David Rogers is interested in insect population ecology in general and in the ecology and epidemiology of vector-borne diseases in particular, especially the African trypanosomiases, dengue, yellow fever, West Nile virus and bluetongue. He uses remotely sensed satellite data in much of this work and is intrigued by the potential power of Earth Observation data in both statistical and biological models of the distribution and intensity of organisms and diseases.

Le Professeur Henry I. Smith
(Joseph F. and Nancy P. Keithley Professor of Electrical Engineering,Codirector, NanoStructures Laboratory, Massachusetts Institute of Technology – USA).
Henry I. Smith Is Professor of Electrical Engineering and Co-Director of the NanoStructures Lab at MIT. From 1990 to 2005 he held the Keithley Chair in Electrical Engineering. He is a member of the National Academy of Engineering, a fellow of the American Academy of Arts and Sciences, a Fellow of the Optical Society of America, and a member of the APS, AVS, MRS and Sigma Xi. He is a recipient of the Cledo Brunetti Award of the IEEE and the Baccus Award of SPIE.  He holds over 30 US patents and has published over 400 technical articles. 

Le Professeur David N. Reinhoudt
(Faculteit Technische Natuurwetenschappen,
University of Twente, Enschede – The Netherlands). Professor David.N. Reinhoudt was born in 1942 in The Netherlands, graduated in chemistry in 1969 from Delft. During 1970-1975 he worked at Shell. In 1975 he was appointed as a part-time professor at the University of Twente and in 1978 as a full professor. Since 2002 he is chairman of the board of the Dutch Network for Nanotechnology. He is a member of the Royal Dutch Academy of Sciences. He is the author of more than 900 scientific publications.                                                                                                                                                                                                                           Membres

Le Professeur Patrick De Wilde
(
Director, Institute for Advanced Study, Technische Universität Munchen – Germany). Patrick Dewilde received the degree of Electrical Engineering from the University of Leuven in 1966, the License in Mathematics from the Belgian Central Examination Commission in 1968 and the Ph.D. degree in Electrical Engineering from Stanford University in 1970. He has held research and teaching positions at the University of California in Berkeley, the University of Lagos in Nigeria and the University of Leuven. In 1977 he became full professor of Electrical Engineering at the Technical University of Delft (the Netherlands). In 1981 he was named Fellow of the IEEE for his work on Scattering Theory. From 1993 to 2001, he was the Scientific Director of the Delft Institute of Microelectronics and Submicron Technology DIMES, and 2002 to 2007 Scientific Director of the ‘ICT Delft Research Centre’ at Delft University of Technology. Presently he is Director of the Institute for Advanced Study of the Technische Universität München. He was elected a regular member of the Dutch Royal Academy of Science in 1993. From 1996 to 2005 he was chairman of the Technology Foundation STW. In 2000 he received an IEEE Circuits and System Society Golden Jubilee Medal, and in 2003 a Humboldt Research Prize. He is the author of a large number of scientific publications and two books. In 2005 he was elevated to the Knighthood of the Dutch Lion by Queen Beatrix of the Netherlands.
                                                                        
                                                                                                            Consultant

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 Discours du Professeur dr. Mark EYSKENS,
Président de la Fondation Francqui

Sire, Excellenties, Excellences, Mesdames Messieurs, zeer Geachte Dames en Heren,

Sire, Uwe Majesteit vandaag te mogen ontvangen op de plechtige uitreiking van de Francqui-Prijs 2009, is voor ons allen, hier aanwezig, een uitzonderlijke eer. Wijze filosofen hebben ons geleerd dat gebeurtenissen minder belangrijk zijn dan de betekenissen die ze hebben. De betekenis van deze plechtige gebeurtenis overschrijdt haar feitelijkheid.  Uzelf Sire, omringd door de vertegenwoordigers van de universitaire en wetenschappelijke gemeenschap in ons land, getuigt van het levensbelang dat het wetenschappelijk onderzoek hoort te hebben voor onze samenleving en haar toekomst. Wij zijn de Koning, de Koninklijke familie en in het bijzonder ook Prins Filip die vaak de uitreikingsplechtigheden  bijwoont, zeer dankbaar voor hun niet aflatende inzet ten bate van de wetenschappelijke en universitaire gemeenschap van ons land.

En cette période de crise, certes économique et financière, mais aussi sociétale, structurelle, systémique, morale, complexe, paradoxale et globale, il s’avère que la science, ses découvertes et ses applications constituent le levier le plus important qui doive permettre à nos sociétés contemporaines de s’en sortir et de garantir l’avenir de manière durable pour ceux qui viendront après nous. 

La crise actuelle ressemble aux douleurs d’enfantement d’un monde nouveau – que j’appelle volontiers « le Globalistan », notre village planétaire. Nous avons toutefois trop tendance à donner au mot « crise » une connotation excessivement catastrophique. Le vocable d’origine grecque vise plutôt un moment critique, de réflexion, d’inflexion, un revirement, un tournant, pour le meilleur et pour le pire. Les crises peuvent donc être également salutaires. Les crises de toute manière constituent des défis qu’il faut relever. Alors la crise devient une opportunité. C’est le cas aujourd’hui où il faut restructurer un monde en mutation tous azimuts. Sous l’ancien régime les changements étaient tellement lents que peu de gens ne les remarquaient. Aujourd’hui les changements sont tellement rapides et nombreux que peu de personnes ne les remarquent où en jugent correctement la portée. Il est  vrai que nous avons trop tendance à entrer dans l’avenir en marche arrière et en regardant dans le rétroviseur.

Le marché et l’autorité publique, le socialisme et le libéralisme, la démocratie et la technocratie, la concurrence et la coopération, la multiculturalité et l’interculturalité, le citoyen et l’État, le peuple et la population, la connaissance et l’information, le bien-être et la prospérité, la propriété intellectuelle privée et « l’internetisation du savoir », l’enseignement et l’université, la langue et la culture, la religion et la raison…  permutent et changent de nature, tout en étant en même temps les causes de mutations  sociétales importantes. À cela s’ajoutent les défis généralement transnationaux, voire transcontinentaux, tels les problèmes climatiques, l’approvisionnement en énergie, les pénuries de nourriture et d’eau potable dans le monde, le vieillissement de la population en Europe et en Chine, l’explosion démographique dans le monde (10 milliards d’habitants en 2050 dont encore à peine 5 % d’Européens), la multipolarisation de la politique mondiale, le rejet de la modernité par les régimes fondamentalistes, les maladies endémiques, l’exploitation, la criminalité internationale, les violences ethniques, le terrorisme, la dissémination d’armes de destruction massive, la pauvreté dans le monde… Et cette liste malheureusement n’est pas exhaustive.

Banaal is dus de vaststelling dat alles razendsnel verandert. Minder triviaal is de constatering dat heel wat problemen samenvallen tijdens dit eerste decennium van de 21ste eeuw en dat veel mensen het daar moeilijk mee hebben omdat de wervelwinden van om zich heen grijpende mutaties en de waterval van uitdagingen ook veel ankers los wrikken en gevestigde waarden grondig wijzigen. Angst grijpt om zich heen, veel mensen voelen zich onzeker en daardoor onveilig. Dit geldt vooral voor jonge mensen. Le futur n’a plus d’avenir, denken velen. En de meest wanhopige onder hen roepen uit: stop de wereld, ik wil er af. Ik denk dat we tot de jonge generatie duidelijke taal moeten spreken. Zij heeft inderdaad geen toekomst. De toekomst is geen verworven recht dat de jonge mensen in de schoot wordt geworpen. Zij moeten de toekomst maken, zelf en samen opbouwen dank zij de inzet, kennis, verbeeldingskracht en durf. Het is natuurlijk wel de taak van de oudere generatie en het beleid in onze samenleving er voor te zorgen dat jonge mensen alle kansen krijgen om hun toekomst te verwezenlijken. Vandaag is onwetendheid, gebrekkige kennis, onvoldoende scholing de hoofdoorzaak van de kansarmoede. Vernieuwend onderwijs gericht op het stimuleren van de menselijke creativiteit wordt daardoor een essentiële krachtbron van ontwikkeling. En het doorgeven van kennis is ondenkbaar zonder continue en grensverleggende wetenschappelijke herbronning.

La crise actuelle est largement due au fait que la communauté internationale s’est avéré incapable et inapte à gérer la société de la connaissance, elle même engendrée par de foudroyantes percées scientifiques.    

La crise financière et économique n’est par ailleurs qu’un aspect de cette émergence de la société de la connaissance, un phénomène mondial fondamental, portée par les technologies de l’information et des communications (TIC) et leurs applications multiples, toutes dérivées de l’invention de cet outil fabuleux que nous appelons l’ordinateur. Le célèbre philosophe et paléontologue Pierre Teilhard de Chardin avait prédit il y a déjà plus d’un demi-siècle que notre planète, dotée d’une atmosphère et d’une stratosphère, serait à terme également entourée d’une noosphère, à savoir une sphère de l’information et partant du savoir et de l’intelligence. Les historiens anglo-saxons scindent l’histoire en deux périodes :  BC ou before Christ et AC ou after Christ. Aujourd’hui l’histoire de l’humanité est éclatée en deux époques bien différentes : before computer (BC) et after computer (AC). Le monde s’unifie donc sur le plan scientifique, technologique et économique à un rythme accéléré et haletant, ce qui rend les pays de plus en plus mutuellement interdépendants. Les états nationaux s’effritent. Un monde global surgit – notre village planétaire – lequel toutefois au niveau de sa gouvernance politique reste « provincialiste », en ce sens que les gouvernements nationaux sont trop petits pour les grands problèmes et trop grands pour les petits. Une asymétrie béante s’est fait jour entre la « globalisation » de l’économie mondiale et la « localisation » des politiques menées par les états nationaux.

La révolution des technologies de l’information et des communications, donnant naissance à la société de la connaissance a, me semble-t-il, déclenché deux « crises d’inversion » de  l’histoire au cours des dernières 25 années. La première révolution fut principalement politique. Elle a depuis la chute du mur de Berlin en 1989 conduit à l’implosion du communisme et du socialisme collectiviste. La deuxième révolution, de date plus récente, est de nature économique et sape considérablement le capitalisme libéral. Les deux grandes idéologies qui ont dominé la pensée sociétale depuis 250 ans, le libéralisme et le socialisme, engendrées par la première et la deuxième révolution industrielle, s’avèrent être complètement dépassées par les récent développements scientifiques et technologiques.

Een fenomeen van algemene decollectivisering  doet zich voor. Zodra de kennis en de daardoor gestuurde innovatorische creativiteit de belangrijkste productiefactoren zijn geworden, breekt het marxistische recept van de collectivisering  – de nationalisering  – van de kapitalistische productiefactoren volledig stuk. Fabrieken, machines, grondstoffen kunnen worden genaast en collectivistisch beheerd, via de communistische partij. Menselijke kennis niet. Inkomens en vermogens kunnen en moeten worden verdeeld in het raam van elementaire sociale rechtvaardigheid. Dit leidt vaak voor politici tot een pijnlijk zero-som-spel met winnaars en verliezers. Kennis daarentegen moet niet worden gedeeld maar vermenigvuldigd. Het maatschappelijke zero-som-spel wordt een plus-som-spel met nog enkel winnaars. Daardoor ontstaat een totaal nieuw sociaal paradigma.

De ICT-revolutie, die het communisme en socialisme heeft geconfronteerd met decollectivisering, tast echter ook het liberalisme aan met een verschijnsel van deprivatisering. Niets is nog privé, alle ideeën, voorstellen, ontdekkingen en uitvindingen verspreiden zich via de elektronische en digitale netwerken in de hele wereld, vaak tegen de snelheid van het licht. Industriële en intellectuele eigendom zijn de facto onbeschermd. 25 % van de wereldproductie zou te danken zijn aan namaak of imitatie. In een aantal Aziatische landen wordt ‘copy right’ hertaald tot ‘the right to copy’. Het basisparadigma van het liberale kapitalisme verwijst sinds meer dan twee eeuwen naar het oude Romeinsrechtelijke concept van privé-eigendom. Dit staat thans volledig op losse schroeven. Er wordt bovendien geargumenteerd dat ontdekkingen en uitvindingen behoren tot het geestelijk patrimonium van de mensheid en dus voor iedereen toegankelijk moeten zijn. Daarbij komt dat op de markten de tussenpersonen wegvallen  – een verschijnsel van desintermediatie – waarbij vragers en aanbieders rechtstreeks met elkaar in contact treden (denken we maar aan e-bay), een evolutie die de marktwerking zeer grondig wijzigt en onder meer ook gevolgen heeft voor het fiscale heffingsvermogen (BTW) van de nationale staten. Allerbelangrijkste evenwel is dat in een ééngemaakte wereldeconomie vooral grote spelers aan bod komen in alle sectoren, wat leidt tot oligopolistische mededinging. De concurrentiedruk en de enorme inspanningen die moeten worden gedaan op het vlak van onderzoek en ontwikkeling dwingen ondernemingen om hun schaal te vergroten. Vandaar de frequente ‘mergers and acquisitions’. Aldus ontstaat ook een wereldwijde concurrentiestrijd op leven en dood. De Amerikanen spreken van ‘cut the throat over competition’.  Het gaat om vormen van concurrentie – vaak innovatorische concurrentie  – die de voordelen van de marktwerking sterk verminderen en niet zelden uitschakelen  (zodra de verkoopprijs niet meer gelijk is aan de marginale kost van het product ).  De financiële sector vervult in deze evolutie een strategische rol omdat hij in moet staan voor de financiering van de reuzenbedrijven op de oligopoliemarkten, waarbij kleine en middelgrote ondernemingen rond deze bedrijven of sectoren vaak worden gesatelliseerd. Aangezien het geld een homogeen goed is  – geld is geld, het slijk der aarde  – is de concurrentie tussen financiële instellingen extreem heftig. Personeel wordt gedeeltelijk vergoed met premies in functie van de gerealiseerde omzetcijfers, waardoor ook meer risico’s worden genomen. Het leidinggevend personeel geniet van aanzienlijke bonussen en stock options, die geen maatschappelijk draagvlak meer hebben als het slecht gaat met de bankaandelen, ook al blijkt de publieke opinie minder wakker te liggen van de hoge vergoedingen die worden uitgereikt aan bepaalde sportvedettes of allerlei min of meer betwistbare entertainers en zangers. Het is vooral de uitzinnige, wereldwijde concurrentie in de financiële sector, waarbij risicovolle financieringspraktijken en producten (toxic products)werden gelanceerd, die de huidige financiële en economische crisis heeft verwerkt.  Met als resultaat dat alvast een bepaald type van liberaal kapitalisme is aangetast in zijn doelmatigheid en in zijn geloofwaardigheid.

De politieke crisis van het einde van de 20e eeuw en de financieel-economische van het begin van de 21e eeuw zijn dus ook de revelatoren van de existentiële crisis die en het communisme en het kapitalisme teisteren. De wereldgemeenschap is op zoek naar een nieuwe coherente maatschappelijke visie die uiteraard verder moet reiken dan het ‘googelisme’  of het ‘internautisme’. 

Het bestuur van Globalistan moet worden uitgewerkt door het tweespan markt+ overheid te herijken in een totaal nieuwe context. Daarbij moet worden genoteerd dat de markt niet het monopolie is van een bepaalde ideologie en de vijand van weer een andere. De ruilmarkt is haast zo oud als de mensheid en is een antropologische categorie. De markt vandaag wordt grotelijks virtueel, leidt tot direct contact tussen vragers en aanbieders en is wereldwijd. Deze markt, zoals alle markten vertoont de neiging om de hinderlijke concurrentie uit te schakelen. Er is dus nood aan een internationale autoriteit die een concurrentiebeleid wereldwijd voert. De Europese Unie geeft op dit stuk sedert jaren het voorbeeld via de rol gespeeld door de Europese commissie en de commissaris bevoegd voor het concurrentiebeleid. Het lijkt niet onlogisch dat de Wereldhandelsorganisatie (WTO) zou worden hervormd met het oog op het uitoefenen van een soort economische magistratuur. Er is dus wel degelijk een overheid nodig die het marktgebeuren begeleidt en binnen efficiënte banen houdt met het oog op de welvaartmaximalisatie voor zoveel mogelijk mensen. Deze overheid kan nochtans niet langer de nationale staat zijn die niet de schaal heeft om het wereldwijd economisch gebeuren te reguleren. Er is nood aan een zo internationaal mogelijk collectief beleid dat in de toekomst een systemische crisis als de huidige moet kunnen voorkomen. Daarom lijkt het mij essentieel dat het Internationaal  Muntfonds (IMF), de Wereldbank en de Wereldhandelsorganisatie veel intenser zouden gaan samenwerken en dat binnen de Verenigde Naties, naast de politieke Veiligheidsraad, die bestaat sinds de oprichting van de VN, ook een economische Veiligheidsraad zou worden in het leven geroepen met een samenstelling die voldoende representatief is voor de verdeling van de economische krachtenverhoudingen in de wereld (bv door de opname van de G20). En mocht de dollar geleidelijk zijn statuut van internationale reservemunt verliezen, is het niet aangewezen dat deze rol zou worden overgenomen door de euro, omdat die dan voorwerp zou worden van hachelijke speculatiegolven. De voorkeur moet uitgaan naar het in omloop brengen van een internationaal krediet- en betaalmiddel door voort te bouwen op de huidige bestaande speciale trekkingsrechten (SDR) in de schoot van het IMF.

De verspreiding van kennismaatschappij luidt een nieuwe fase in in de geschiedenis van de mensheid en haar mensen. De toekomst kan enkel worden gewaarborgd door een zo intens mogelijk promotie en ontwikkeling van wetenschap en technologie. Hierbij moet nochtans  duidelijk gesteld dat niet elke verandering, hoe vernuftig ook  – denk maar aan de toxic products in de financiële sfeer –  een verbetering is en dat bijgevolg het onderscheid moet worden gemaakt tussen wat voordelig en nadelig is voor de menselijke vooruitgang, uiteindelijk tussen wat goed is en kwaad is. Deze aloude ethische vraagstelling is actueler dan ooit. De wereldgemeenschap moet worden georganiseerd en ook omgebouwd tot een internationale rechtsgemeenschap. Daarbij is de verspreiding en aanvaarding van een ethiek van de verandering veel belangrijker dan een verandering van de ethiek.

Sire, Dames en Heren,

De wereld wordt ons dorp. Maar het is een kwetsbaar dorp met een bedreigd ecosysteem. Een werelddorp dat bovendien niet overal even gelukkig is. Er is ook veel verdriet in het werelddorp. En dit verhoogt onze plicht van solidariteit, solidariteit die eigenlijk nooit groot genoeg is. De globalisering van de wereld verwekt ook soms afstotingsverschijnselen waarbij de uitdrukking ‘de wereld is ons dorp’ wordt vervangen door de protectionistische kreet ‘ons dorp blijft de wereld’, en waardoor men dan uit wanhoop of zinsverbijstering vervalt in cultureel en taalkundig protectionisme of, erger, in xenofobe en racistische reacties aan één kant van het politieke spectrum terwijl men aan de andere kant niet aarzelt maatregelen van economisch protectionisme aan te prijzen. De enen willen de vreemde mensen buiten houden; de andere willen de vreemde producten buiten houden. Die krampachtige houding heeft uiteraard te maken met achterhoedegevechten, die des te hopelozer lijken is als men bedenkt dat over 20 jaar Europa nog goed zal zijn voor vijf percent van de wereldbevolking en wij dus zullen moeten leren samenleven en samenwerken met 95% aardbewoners, die  zullen behoren tot andere continenten, andere beschavingen, andere rassen. Laten we hopen dat ook onze landgenoten, Vlamingen, Walen en Brusselaars door hun inventiviteit  – serendipity, zeggen de  Britten – en hun innovatietalent zullen bijdragen aan het handhaven en bevorderen van een leefbare wereld. De beoefening van de wetenschap speelt hierbij een cruciale rol.

La recherche scientifique n’est pas toujours estimée à sa juste valeur dans une société de consommation qui a trop tendance à croire que  notre prospérité est un acquis irréversible, alors que l’avenir de nos sociétés doit être bâti, conquis et réinventé de manière ininterrompue. Sans la science et ses applications notre futur n’aurait plus d’avenir. C’est une évidence tellement aveuglante qu’elle frappe parfois de cécité ceux qui devraient la voir.

Le Prix Francqui est attribué successivement dans le domaine des Sciences Exactes, des Sciences Humaines et des Sciences Biologiques et Médicales. Cette année-ci se sont les sciences exactes qui sont à l’honneur.

Permettez-moi à toute fin utile de rappeler les autres activités de la Fondation Francqui telles le financement  des chaires Francqui, l’octroi de mandats de « International Francqui Professor », les mandats intercommunautaires, de chargé de cours Francqui ou de Professeur Francqui, les Francqui fellowships et le financement de symposiums internationaux.

D’autres initiatives grâce aux efforts du Professeur Pierre Van Moerbeke, Administrateur-Délégué, ont été réalisées ou sont à l’examen. Je voudrais aussi annoncer la création de fellowships Francqui, due à la générosité du Professeur Désiré Collen  et de Mr and Mrs Landon Clay, grand industriel, intellectuel et mécène américain important qui nous fait l’honneur d’être parmi nous ce matin.

Dit jaar is de Francqui-Prijs bestemd voor een onderzoeker uit de exacte  wetenschappen en de laureaat beoefent hiervan een bijzondere, zeer toekomstgerichte tak die van vitaal belang is voor de huidige en vooral toekomstige generaties, zoals aanstonds zal blijken. Samen met de artificiële intelligentie, de steeds vernieuwde informatie- en communicatietechnologieën, de nanotechnologie, de verbluffende toepassingen van de kwantumfysica, de uitvindingen van nieuwe materialen, het zoeken naar nieuwe energiebronnen, de biogenetica zijn de milieuwetenschappen bepalend voor de toekomst van de mensheid.

Nous allons aujourd’hui couronner un lauréat qui incarne par excellence les qualités et les vertus nécessaires à l’invention d’un meilleur avenir pour l’homme et son environnement.

J’en arrive par conséquent au point principal de notre ordre du jour, à savoir la proclamation du Lauréat du Prix Francqui de 2009. Le jury international fut présidé de manière magistrale par le Professeur S.R. Srinivasa Varadhan, FRS, prix Abel 2007 – l’équivalent du Prix Nobel pour les sciences mathématiques –  Professeur au New York University, Courant Institute of Mathematical Sciences, Frank J. Gould Professor in Science.

Je voudrais ici rendre un vibrant hommage à la qualité du travail effectué par le jury et ses éminents membres, que j’ai eu l’occasion de rencontrer personnellement.

Je vous lis maintenant le texte de la délibération du jury

“After deliberation on the work of the candidates and taking into account the degree of excellence of the scientific production of each of them the Jury proposes Mr Eric Lambin  to be the next laureate of the Francqui Prize 2009.  The conclusion of the Jury is formulated as follows :

Eric Lambin has developed a method for quantitative analysis of land modifications based on remote sensing and has pioneered the integration of biophysical and socio-economic data to analyze the role of human activity and climatic factors in land-cover change.  In particular, his development of change-vector analysis has opened up the quantitative assessment of land use and land cover changes brought about by a variety of human and climatic factors, both local to and remote from the areas affected by those changes.  He has been able to integrate a variety of disciplines, from anthropology to space systems’ physics to describe and explain how land use and land cover have changed up to the present.  By using multi-agent simulation methods, Eric Lambin has been able to interpret the changes that he has quantified in terms of human actions, specifically those contributing to desertification, agricultural developments and deforestation and reforestation.  To some extent, the same methods are also able to predict alternative developmental pathways into the future, given past and present trajectories of land-use change.  He is thus able to warn when projected changes indicate a decrease in the ability of the natural environment to sustain human activities into our uncertain future.

Starting with pictures of the earth from space, Eric Lambin has shown us, using change-vector analysis, what the human species is doing to planet earth.  He is able to interpret, and most importantly quantify, the changes that have been recorded by these satellites and has shown how local changes in land cover and land use are often brought about by global forces driven by political, social and economic factors beyond the control of the local inhabitants.  His studies have covered local, regional and global perspectives.  Eric Lambin has been able to show us that there is no First World and no Third World.  There is only One World; we are all part of it and we should look after it carefully.”

Sire, Mesdames, Messieurs

Au nom du Conseil d’Administration de la Fondation Francqui je présente au Professeur Eric Lambin toutes nos félicitations les plus chaleureuses. Ce prix est bien entendu un encouragement pour les travaux futurs de M. Eric Lambin. Nous avons par le passé porté le montant du prix à 150.000 € en ajoutant un montant de 25.000 € pour la recherche personnelle du Lauréat, augmenté d’une somme qui doit lui permettre d’organiser un colloque scientifique consacré aux résultats de ses recherches. Le Prix Francqui, d’une valeur totale d’environ 250.000 euros est dès lors un des prix scientifiques les plus importants et les plus prestigieux dans l’espace de recherche que constitue l’Europe. Par ce prix nous voulons aussi au-delà de la personne du Lauréat rendre hommage à la communauté scientifique toute entière de notre pays.

Qui est le professeur Eric Lambin ?

Éric Lambin, né en 1962 est Professeur ordinaire à l’Université Catholique de Louvain mais à partir de septembre 2009 il partagera son temps entre l’UCL, où il reste Professeur, et la Stanford University, où il occupera la chaire Ishiyama au département des Environmental earth system sciences et au Woods Institute for the environment. En 1988 Éric Lambin fut promu docteur en sciences de l’UCL, avec la plus grande distinction et les félicitations du jury. Il a fait aussi des études de philosophie à l’UCL. Après ses études Louvanistes il a séjourné en tant que chercheur et Professeur associé à l’Université de Stanford et à l’Université de Boston. Il fut aussi expert pour la commission européenne et plusieurs autres institutions.

Le Professeur Lambin est membre de l’Académie royale des sciences, des lettres et des beaux-arts de Belgique. Il obtint en 2005 le Zayed international Prize for the environment. Il fut titulaire d’une chaire Francqui à la Katholieke Universiteit Leuven, membre de l’Académie royale des sciences d’outre-mer, détenteur d’un Nato Fellowship pour la recherche scientifique. Eric Lambin a présidé de 1999 à 2005 le comité scientifique du projet « Land use and land cover change ».Ses activités professionnelles l’ont amené à devenir membres de dizaines d’organisations, de comités, de panels, de commission à vocation scientifique. Au sein de l’UCL il a également été chargé de plusieurs mandats de président ou de membre de commission et de conseil à caractère scientifique. Éric Lambin a publié plusieurs livres dont en 2004 un ouvrage intitulé  «  la terre sur un fil », édité à Paris et traduit en anglais et en portugais. Il prépare pour l’instant une autre publication sous le titre « Une et écologie du bonheur ». Le professeur Lambin est l’auteur de quelque 200 articles et contributions scientifiques et il peut se targuer d’avoir recueilli plus de 3000 citations scientifiques. En avril 2009, il a été élu comme « Foreign Associate » à la prestigieuse National Academy of Sciences de Washington, l’un des cinq Belges seulement qui ont eu droit a cet honneur.

Géographe de formation Éric Lambin à orienté ses recherches vers un domaine scientifique en pleine émergence à savoir l’étude des interactions entre l’activité humaine et les écosystèmes terrestres. Les recherches d’Éric lambin se sont aventurées dans un territoire peut exploré jusque-là, lesquelles ont notamment nécessité le développement de nouveaux outils et méthodes de collecte et d’analyse des données. Le lauréat a opéré des innovations marquantes en télédétection spatiale. Il a aussi innové fondamentalement dans l’analyse de l’impact humain sur la surface terrestre. De grande importance sont également ses travaux de synthèse sur les causes des changements des écosystèmes terrestres.

Sire, Excellences, Mesdames,  Messieurs, Dames en Heren ,

Puis-je maintenant demander à Sa Majesté le Roi de remettre le prix Francqui 2009 à M. le professeur Eric Lambin.

* * *

Discours du Professeur Eric Lambin

Sire,

C’est un immense honneur que me fait Votre Majesté en me remettant le Prix Francqui 2009.  Votre Majesté témoigne ainsi de Son soutien essentiel à la recherche scientifique dans notre pays. In naam van de Belgische wetenschappelijke gemeenschap, dank ik U dan ook van ganser harte.

Sire,

Excellences,

Monsieur le Président,

Mesdames et Messieurs en vos titres et qualités,

Jusqu’à présent, j’ai suivi assez scrupuleusement ce conseil prodigué par Henry David Thoreau : « Beware of all entreprises that require new clothes ». Cette cérémonie offre une occasion magistrale de faire exception à cette règle. Je reçois ce prix avec un bonheur qui n’a d’égal que le prestige de son fondateur et des personnes qui, aujourd’hui, en assurent l’héritage. Une collègue me confiait gentiment que j’allais dorénavant l’intimider. Ma réponse spontanée fut que, moi aussi, j’allais m’intimider.

Ce qui est célébré aujourd’hui est avant tout la quête de connaissances par des groupes de femmes et d’hommes qui mettent ensemble les compétences acquises grâce à leurs maîtres pour répondre à des questions fondamentales pour la société. Quoi de plus passionnant que cet effort collectif et désintéressé pour mieux comprendre le fonctionnement – et donc peut-être aussi le sens – de ces systèmes complexes que sont la Nature et les sociétés humaines.

J’ai eu la chance de travailler avec une trentaine de jeunes chercheurs qui sont passés par mon équipe ou y travaillent encore. Leur contribution est pour beaucoup dans l’honneur qui m’est fait aujourd’hui et je les en remercie. Ensemble, nous avons analysé la dynamique des écosystèmes terrestres à partir des satellites d’observation de la terre ainsi que les impacts de cette dynamique sur la biodiversité, les feux de forêts ou les maladies émergentes. Nous avons développé des modèles des causes et des conséquences de la déforestation tropicale et de la désertification, et étudié les réponses des communautés rurales face aux changements environnementaux. Ces études ont concerné l’Afrique surtout, mais aussi l’Asie du Sud-Est et l’Amazonie.

Nous avons découvert un environnement naturel qui subit des modifications multiples sous la pression de l’homme, avec des effets en cascade parfois insoupçonnables. Mais nous avons aussi mis en évidence la grande capacité d’adaptation des sociétés humaines face à ces changements. Nous avons montré, par exemple, que certains pays en voie de développement ont réussi depuis quelques années une transition d’une période de déforestation à une période de reforestation. Tous ces travaux ont contribué à l’émergence d’une théorie des interactions entre l’activité humaine et l’environnement naturel.  Ils ont également permis d’identifier les conditions sous lesquelles une société adopte des pratiques plus durables d’utilisation des ressources naturelles. Une meilleure compréhension des relations de cause-à-effet qui contrôlent la transformation des écosystèmes est essentielle pour la mise en œuvre de politiques environnementales qui suscitent l’adhésion des acteurs concernés. La dégradation écologique a souvent pour racine la mauvaise gouvernance, qui résulte notamment de représentations simplistes des interactions entre l’homme et son environnement.

Je tire une certaine fierté du fait que les anciens membres de mon équipe sont aujourd’hui actifs de par le monde, dans des instituts de recherche pour certains d’entre eux, mais aussi, pour les autres, dans des organisations qui mettent en œuvre des projets de développement durable sur le terrain, en Afrique notamment. Dit stemt overeen met de visie van Emile Francqui die op het einde van de eerste wereldoorlog reeds vermeldde dat investeren in wetenschappelijk onderzoek de beste manier is om uit een maatschappelijke crisis te geraken.

La science est devenue une vaste entreprise d’ampleur mondiale, organisée et évaluée selon des critères qui visent à garantir une certaine production et un impact sociétal. Ceci privilégie parfois les grandes autoroutes de la recherche scientifique. Pour ma part, j’ai mené mes explorations via de petits chemins campagnards, peu fréquentés, où l’on ignore parfois tant sa position exacte que sa destination. J’ai investigué quelques-uns de ces nouveaux territoires à l’interface entre plusieurs disciplines. La modélisation de l’impact de l’homme sur la nature a requis en particulier la recherche de ponts entre les sciences naturelles et les sciences humaines. Que ces voies détournées m’aient conduites devant vous aujourd’hui est la preuve qu’il y a encore de la place – peut-être même les places de choix – pour l’aventure et le risque en science.

Edward Wilson, un professeur de biologie de l’Université d’Harvard, a écrit : « The ideal scientist can be said to think like a poet, work like a clerk, and write like a journalist ». Mon travail de clerc, ou de documentaliste, a consisté à intégrer des données de la télédétection spatiale, des enquêtes de terrain conduites dans des villages reculés des forêts tropicales ou des zones désertiques, et des modèles numériques en géographie, écologie ou climatologie.

Comme journaliste, je me suis isolé deux fois déjà pendant quelques mois pour écrire des ouvrages à destination d’un public large, aux titres qui intriguent comme « La Terre sur un fil » et, plus récemment, « Une écologie du bonheur ». Ces deux livres répondent respectivement aux questions suivantes : « Devons-nous être pessimistes ou optimistes sur l’avenir de notre planète ? » et « Quel est l’impact des changements environnementaux sur le bien-être humain ? ».

Mais c’est bien le travail du « poète-scientifique » qui me tient le plus à cœur. La science moderne véhicule une image où l’individu qui est derrière chaque chercheur s’efface au profit du protocole expérimental et de la théorie universelle. Pourtant, à l’origine de chaque découverte, il y a eu une vision sur le fonctionnement de la réalité étudiée, vision souvent inspirée par une métaphore de nature poétique. Pour ma part, l’équilibre dynamique qui régit les interactions entre l’homme et la nature est évoqué par le funambule qui progresse sur son fil et ajuste ses mouvements aux fluctuations de son support instable. Sous un autre regard, le funambule et son fil ne forment plus qu’un système intégré, dont les mouvements produisent des harmoniques parfois dissonants. Cette co-évolution entre les sociétés et leur environnement naturel est précisément ce que nous avons détecté à travers les séries temporelles des observations par satellites et représenté ensuite dans des modèles dynamiques des systèmes socio-écologiques. Le géographe décode la musique du monde. La science fait appel à la créativité et au sens esthétique. C’est ce qui la rend si passionnante et fait que la recherche scientifique a besoin de bien plus que d’excellents techniciens.

Je voudrais exprimer ici ma gratitude à quelques personnes.

Une équipe de recherche n’est rien sans un environnement scientifique porteur et des responsables clairvoyants qui adaptent les modes d’organisation des institutions scientifiques aux nouveaux défis de la recherche mondiale. Je remercie les Recteurs et les Doyens de mon université, l’UCL, pour le soutien qu’ils m’ont apporté. Je remercie aussi chaleureusement les deux parrains qui ont proposé ma candidature à ce prix, les professeurs Marc Boutry et Jacques Charlier.

Lorsque quatre enfants sur quatre au sein d’une même famille mènent des carrières professionnelles en lien avec la science, il est peu probable qu’il s’agisse d’un pur hasard. Les valeurs qui nous ont été transmises par nos parents ont joué un rôle déterminant dans nos parcours respectifs.

Depuis quelques années, les recherches de mon équipe se sont orientées vers l’étude de l’impact des changements environnementaux sur les nouvelles maladies infectieuses. Je dois cette nouvelle orientation – qui s’est révélée être très productive – en partie à mon épouse, Régine, qui mène une vie très active comme cadre dans l’industrie pharmaceutique. Elle gère la production de vaccins qui contribuent de manière importante à diminuer le fardeau des maladies à l’échelle mondiale.

Woody Allen écrivait il y a quelques années: « Mankind faces a crossroads.  One path leads to despair and utter hopelessness.  The other, to total extinction. Let us pray we have the wisdom to choose correctly ». Il existe bien entendu une troisième voie : celle où des citoyens et des entreprises responsables transforment en nouvelles opportunités les défis économiques, sociaux et environnementaux auxquels nous faisons face. Celle où nous rendons notre modèle de développement plus équitable et durable. Le moteur de cette évolution ne doit pas être la peur de catastrophes à venir mais bien une vision positive de l’avenir, fondée sur une appréhension de la diversité du monde. Nous pourrons alors forger un nouvel ordre de valeurs, qui soit basé sur un plus grand sentiment de responsabilité envers le monde et les autres. Ceci nécessite une collaboration plus étroite entre les différents acteurs, publics et privés, qui détiennent les clefs d’un avenir meilleur.

Je dédie donc ce prix aux personnes les plus concernées par ces défis, représentées ici par les quatre plus jeunes dans cette salle – mes deux filles, Tatiana et Julie, et deux de mes filleuls, Maxime et Joao Pedro. Je leur souhaite d’y trouver l’inspiration pour s’engager personnellement dans des causes importantes pour l’avenir de la société.

Quant au généreux montant associé à ce prix, je compte respecter le principe « Put your money where your mouth is » en consacrant l’essentiel de ce prix à des projets de développement durable dans des pays en voie de développement. Mon métier de professeur m’a convaincu que ceci passe par l’éducation où, dans un premier temps, des opportunités d’accès à une formation élémentaire sont données au plus grand nombre et, ensuite, des bourses pour des études plus avancées sont offertes de manière compétitive aux jeunes dont le potentiel est élevé.

Sire,

L’honneur qui m’est fait par ce prix me renforce dans mon désir de maintenir un point d’ancrage fort de mes activités de recherche en Belgique. À partir de l’année prochaine, je partagerai mon temps entre l’UCL et l’Université de Stanford en Californie, où j’occuperai à mi-temps une chaire en sciences de l’environnement. Ceci me donnera l’opportunité d’intensifier les échanges scientifiques entre des institutions belges et américaines, dans l’esprit de l’amitié qui liait Emile Francqui et Edgar Hoover. 

Ik dank U nogmaals, alsook de Francqui-Stichting, voor de eer die me vandaag toekomt.

* * *