1965 – Rapport Jury Roland Mortier

Remise solennelle du Prix Francqui
par Sa Majesté Le Roi Baudouin
à la Fondation Universitaire le 10 juin 1965

Curriculum Vitae – Rapport du Jury – Discours

Roland Mortier

 

Curriculum Vitae

Né Gand, le 21 décembre 1920

Diplômes Universitaires :

Docteur en philosophie et lettres (philologie romane), Université Libre de Bruxelles, 1950.
Agrégé de l’enseignement supérieur, Université Lire de Bruxelles, 1954.

Fonctions :

Professeur ordinaire à la Faculté de Philosophie et Lettres de l’Université Libre de Bruxelles : histoire de la littérature française et comparée.

Curriculum vitae :

Professeur à l’Athenée royal de Malines, 1945-1955.
Assistant part-time à l’Université Libre de Bruxelles, 1947-1948 et 1950-1955.
Boursier extraordinaire du Fonds National de la Recherche Scientifique, 1952-1953.
Boursier de la Fondation Francqui, 1953-1954.
Chargé de cours, 1955-1957.
Membre du Conseil d’administration de la Fondation La Jeunesse Belge à l’Etranger, 1955-1961.
Professeur extraordinaire, 1957-1960.
Secrétaire général de l’Association internationale de Littérature comparée, 1958-1961.
Professeur ordinaire, 1960.
Visiting Professor à l’Université de Toronto, 1962.
Visiting Professor à l’Université de Stanford, 1966.
Visiting Professor à l’Université Yale, 1968.
Membre de la Commission des Publications et des Subsides de la Fondation Universitaire, 1965.

Distinctions scientifiques :

Lauréat du Concours universitaire, 1943.
Lauréat du Concours annuel de l’Académie royale des Sciences, des Lettres et des Beaux-Arts de Belgique, 1956 et 1958.

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Rapport du Jury (8 mai 1965)

Considérant que Monsieur Roland MORTIER, Professeur à l’Université Libre de Bruxelles, s’est acquis une brillante réputation par ses études sur la littérature française aux XVIIIe siècle et ses travaux de littérature comparée,

considérant que ses recherches se distinguent par leur importance, leur variété, leur originalité, leur rigueur et une minutie heureusement alliée à la ferveur et à l’esprit de synthèse.

considérant que dans les milieux scientifiques étrangers aussi bien que belges, il est reconnu comme un maître éminent et qu’il a ainsi contribué dans une très large mesure au renom scientifique de la Belgique,

décide de conférer le Prix Francqui 1965 à Monsieur le Professeur Roland MORTIER.

Jury international dans lequel siégeaient :

Le Professeur E. Benveniste
Professeur au Collège de France

Paris
                                                                     Président

et

Le Professeur J. Fabre
Professeur à l’Université de Paris

Le Professeur J. Hanse
Professeur à l’Université Catholique de Louvain

Le Professeur M. Leroy
Professeur à l’Université Libre de Bruxelles

Le Professeur A. Maniet
Professeur à l’Université Catholique de Louvain

Le Professeur D. McMillan
Professeur à l’Université d’Edimbourg

Le Professeur R. Shackleton
Professeur à l’Université d’Oxford

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Discours de Monsieur Jean Willems
Président de la Fondation Francqui

Sire,

L’an dernier encore, M. Solvay avait l’honneur, en sa qualité de Président de notre Fondation, d’accueillir Votre Majesté.

Aujourd’hui, c’est à moi qu’échoit ce privilège.  J’en ressens tout le prix.

Fidèle à une tradition qui nous est chère, Le Roi, dès qu’Il apprit le nom du lauréat du Prix Francqui, manifesta Son désir de présider la cérémonie de remise du diplôme.

Qu’il me soit permis de saisir cette occasion pour L’assurer de notre respectueuse reconnaissance et de notre très déférent attachement.

Sire,

Chers, Collègues,

Mesdames, Messieurs,

  1. Roland MORTIER – le nouveau lauréat du Prix – s’était fait connaître, à peine âgé de 34 ans, par la remarquable thèse qu’il avait soutenue en vue de l’agrégation de l’enseignement supérieur sur « Diderot en Allemagne (750-1850) ».

Autant par l’importance et la difficulté du sujet, que par la diversité et la sûreté des méthodes mises en oeuvre, la finesse des analyses, la netteté des conclusions, cet ouvrage avant révélé en M. MORTIER un comparatiste de très grande valeur.

Depuis lors, en approfondissant, en diversifiant et en étendant ses recherches, M. MORTIER s’est imposé comme un des promoteurs et animateurs des études qui ont actualisé et renouvelé à partir des fondements, notre connaissance du 18e siècle.

On est donc en droit d’affirmer que par l’étendue de son information, par la souplesse de son talent, par la fermeté de ses méthodes, par la générosité de son esprit, M. MORTIER a contribué dans une très large mesure au renom scientifique de la Belgique dans un secteur des sciences humaines en plein développement.

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Discours du Professeur Roland Mortier

Sire,

La présence du chef de l’Etat à cette séance solennelle témoigne de la sollicitude royale envers tout ce qui touche, dans notre pays, à l’avancement des sciences et au prestique de l’enseignement supérieur.  Elle consacre de manière éclatante, aux yeux de la nation tout entière, la permanence des valeurs de l’esprit et souligne la signification profonde de cette curiosité à la fois passionnée et désintéressée qui est la source et l’aliment de toute recherche scientifique, quel que soit le domaine du savoir où elle s’exerce.  Que Votre Majesté veuille bien accepter l’hommage de gratitude que je me permets de Lui adresser respectueusement.

Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs,

Il est des circonstances heureuses, dans une vie et dans une carrière, om le devoir se confond avec le plaisir.  Tel est mon cas aujourd’hui.  J’éprouve une joie d’autant plus grande à manifester publiquement ma reconnaissance envers la Fondation Francqui que ce n’est pas la première fois que je bénéficie de son généreux appui.  Il y a plus de dix ans déjà, grâce à l’intervention personnelle de son éminent animateur, M. Jean Willems, j’avais la bonne fortune de pouvoir compter sur elle pour me permettre d’achever la rédaction de l’ouvrage dont le jury Francqui a bien voulu relever les mérites.

En vérité, mes souvenirs personnels sont liés à la rue d’Egmont depuis bien plus longtemps puisque, dès 1938 c’est en tant que lauréat de la Fondation Universitaire qu’il m’était possible d’entrer à la Faculté.  Cette sollicitude ne devait pas se démentir pendant les dures années de l’occupation.  De tels souvenirs comptent dans une vie, et d’autres que moi y reconnaîtront, à peu de chose près, la ligne générale de leur curriculum.  J’aimerais être leur porte-parole pour dire hautement tout ce que l’Université belge, lato sensu, doit aux institutions scientifiques rassemblées dans cette Maison.

Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs,

Une distinction aussi importante que le Prix Francqui suscite inévitablement dans l’esprit de celui qui en bénéficie, des scrupules et des questions.  Outre qu’il peut s’interroger légitimement sur le sens même de ses recherches – et aucune investigation ne se conçoit sans cette question préalable – il eut se demander dans quelle mesure son oeuvre n’est pas seulement la résultante, ou le point de convergence, des influences reçues, des impulsions et des encouragements venus de maîtres admirés de l’exemple des grands prédécesseurs.  Devant la conjonction des éléments favorables qui ont permis la maturation de l’oeuvre que le Prix Francqui couronne aujourd’hui, j’hésiterais à m’en attribuer le mérite.  J’ai eu la bonne fortune, dès mon enfance, de sentir auprès de moi la soutien de parents attentifs, prêts à renoncer aux menues joies de la vie quotidienne pour encourager la vocation de leur fils.

J’ai acquis à l’Athenée, auprès de Professeurs enthousiastes et dévoués, l’amour de la chose littéraire et le goût de la vie des idées.  Mais l’une de mes chances les plus déterminantes fut de trouver à l’Université de Bruxelles, outre une communauté d’esprits généreuse et stimulante, le maître qui sut discipliner ma vocation, la soumettre à une méthode rigoureuse, l’orienter et la vivifier.  La disparition du Gustave Charlier, ce prestigieux historien littéraire, est une des ombres qui ternissent pour moi l’éclat de cette journée.  Qu’il m’est agréable, en revanche, de voir au sein de cette assemblée, associée à la manifestation d’aujourd’hui, celle dont le concours, la compréhension et l’énergie souriante ont été pour moi un encouragement et une raison de vivre.

Je m’en voudrais cependant, Mesdames, Messieurs, de donner l’impression que je dresse pour l’instant le bilan d’une oeuvre achevée.  L’attribution du Prix Francqui par un jury qui réunissait les plus hautes compétences étrangères et belges ne peut avoir qu’une seule signification : elle constitue un acte de foi dans l’avenir d’un homme, d’une oeuvre et d’une discipline.  Cette confiance, il importe que je m’en montre digne et c’est dans cette pensée que j’accepte, en toute humilité, la distinction que vous me conférez.

Au-delà de ma personne, le choix du Prix Francqui consacre la dignité des études auxquelles je suis voué et équivaut pour elles à une éclatante promotion.  L’étude approfondie d’une culture, des oeuvres maîtresse par lesquelles elle s’est exprimée, tout comme celle des personnalités mineures qui lui donnent sa physionomie, requiert un complément l’étude plus large des grands courants de pensée et de formes, de ces échanges internationaux qui sont le précieux noyau de notre héritage européen.  A entendre dialoguer au royaume des ombres Diderot, Montaigne, Pascal, Goethe, Hegel ou Carlyle, on découvre que l’Europe, bien avant d’être une réalité économique, est déjà une réalité intellectuelle, l’héritière de cette « république des lettres » que Bayle et les journalistes de Hollande édifièrent, en dépit des guerres et des incompréhensions, à force de volonté et de foi dans leur idée de l’HOMME.

La présente cérémonie tire son prix et son lustre de ce que, précisément, elle s’inscrit dans cette tradition humaniste et qu’elle en perpétue l’esprit.

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